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  • Photo du rédacteurSamantha Liger

Quatre jours dans le Néouvielle entre mère et fils (Ou comment j'ai marché 50 km comme une tortue)


Lac d'Oredon


Tous les ans, le Gnome choisit la destination vacances. Pour vérifier que la Tour de Pise était bien penchée, nous sommes allés en Italie. Pour s'assurer que le gruyère n'avait pas de trou, nous avons parcouru la Suisse. Pour "voir" l'Afrique, nous avons traversé l'Espagne.


C'est l'été 2023. Le Gnome est grand maintenant. Surtout par rapport à moi, il me dépasse bien d'une tête et demi! Ses propositions sont moins lointaines, mais tout aussi trippantes. Cette année, il est formel, il veut trekker. De la montagne, du bivouac, du dénivelé, de la souffrance et des ampoules. Un peu comme lac d'Oncet deux ans plus tôt, mais en bien pire.


Qu'à ne cela tienne. Nous n'avons qu'une vie et j'ai toujours appris à mon fils que lorsque nous avons des rêves, il faut se donner les moyens d'y parvenir. Plusieurs mois de prépa physique, des heures sur le net à parcourir les sites de trekking, quelques achats decath au passage, un itinéraire sur topo papier et sur téléphone, la trace GPS chargée et nous voilà partis!


13kg pour moi et 9kg pour le Gnome



Jour 1: De Barèges au lac d'Orédon (9h- 1250m D+)

Le parking de Tournaboup est immense, et sans réseau. Nous ne pouvons même pas

prévenir nos proches que la voiture nous a amenés à bon port. Accessoirement, l'itinéraire sur le téléphone nous est inaccessible.


Ressemblant à des tortues avec nos 9kg pour le Gnome et 13kg pour moi sur le dos, nous partons d'un bon pied. Nous avalons les kilomètres avec un dénivelé assez doux jusqu'à la pause sandwich jambon/fromage. Nous savons que nous mangeons là le meilleur repas de notre trip. A l'ombre des grands arbres, au bord d"un petit ruisseau cristallin, nous profitons du moment.


C'est une bonne idée au vu du dénivelé qui nous attend. Nous continuons jusqu'au refuge d'Aygues -Cluses, prétexte pour une petite pause et un remplissage de nos gourdes d'eau bien fraiche. Nous tenons le même rythme que deux couples qui nous doublent et que nous doublons régulièrement. Nous devisons gaiement. Tout va bien. Du moins jusqu'à ce que j'annonce au Gnome (et à moi-même par la même occasion..) que nous en sommes à peine à la moitié et nous sommes loin d'avoir faire le plus dur.


L'ascension au col de Madamète nous coûte. Il commence à faire froid, le brouillard tombe. Nous sommes bien moins bavards. Le brouillard s'effilochant sur le lac du même nom, laissant penser qu'un drakkar va apparaitre à tout moment, nous convainc quand même que nous avons eu une bonne idée de partir. En haut du col, c'est le soulagement. Le reste va être en descente et nous voyons en contre-bas, entre deux nappes de brouillard, le laquet que nous prenons à tord pour le Lac d'Aubert.


Que nenni. Le tour de ce laquet, en équilibre sur de gros blocs de pierre, nous a donné du fil à retordre (et des chevilles tordues au passage). Nous amorçons la descente vers le lac d'Aumar avec une certaine lassitude. Cela fait environ 7h que nous marchons et nos sacs à dos commencent à bien peser sur les épaules.

Lac d'Aubert et Lac d'Aumar


Le paysage en vaut cependant la chandelle (ou plutôt la frontale si nous nous dépêchons pas!). Dans la réserve du Néouvielle, le bivouac est interdit en dehors des aires de bivouac autorisées et réglementées. Nous comptions nous arrêter à celle du lac d'Aubert. L'absence de réseau m'embête car nous n'avons pu donner de nouvelles de la journée. Continuer ou pas est un choix cornélien au vu de la fatigue de la journée, choix qui échappe au Gnome, tout occupé à manger des bonbons. Un gardien du Parc National m'assure que je trouverai du réseau au lac d'Orédon, à environ une heure d'ici.


Une heure par la route... Mais nous avons pris l'adorable chemin des laquettes, certes magnifique, mais quand même beaucoup plus long. Je crois que le Gnome est tenté de me noyer dans chaque laquet, laquette, petit lac (qui restent tout de même plus grands que les lacs de notre Gers profond!) que nous croisons.

A la tombée de la nuit, après 9h de route et 1250m de dénivelé, nous posons la tente sur l'aire de bivouac du lac d'Orédon. Le Gnome fait bruler notre casserole (évidemment, nous avions oublié de sortir le papier collé dessous...) sur notre mini réchaud pendant que j'essaie de donner des nouvelles à nos proches de mes doigts engourdis. 15 minutes plus tard, après un poulet/riz forestière tiède et pas bon, nous ronflons comme des sangliers (ou plutôt comme des ours, histoire de faire peur à nos voisins de bivouac).



Jour 2: Du Lac d'Orédon au lac supérieur du Bastan (6h- 900m D+)


Une nuit à 6 degrés mais sans avoir froid. Un réveil à 4h du matin par le Gnome qui m'a demandé tout endormi si nous allions revenir ici en voiture. Je crois qu'il a eu du mal à encaisser les 9 heures de marche de la veille.


Un brin de toilette dans les toilettes du lac (le grand luxe!), une barre de céréale, des étirements, et nous voilà reparti avec nos sacs à dos en direction du col de l'Estoudou qui nous attaque bien rudement de bon matin!


J'ai oublié le câble de chargement de mon téléphone dont la batterie lâche. Nous allons continuer le trip avec celui du Gnome, et donc sans trace GPS. Je ne sais plus trop l'étape du jour. Nous allons marcher en fonction du topo et nous verrons bien!

A midi, nous nous posons pour déjeuner au bord du lac vide de l'Oule. Galette de blé/comté/chorizo (curieuse invention piquée sur un forum de trekking qui nous sauvera nos midi tout le long du trip!).


Nous repartons sous le soleil. Cela grimpe jusqu'à l'arrivée! Nous faisons plus ou moins route avec un groupe de jeunes et une famille jusqu'au col de Bastanet. Ils en bavent autant que nous, surtout lorsqu'il faut mettre les mains à cause de la pente. Et moi, quand je mets les mains, je bascule en avant tellement mon sac est grand (et accessoirement tellement je suis petite).

Lac inférieur du Bastan


Je préfère le lac inférieur du Bastan, le Gnome le lac du milieu. Nous bivouaquons au niveau du lac supérieur, après avoir faire la lessive et bu un coup au refuge du Bastan.

Le lieu est magique! Je me baigne, seule dans l'eau limpide. Évidemment. Vu la température de l'eau, même le Gnome n'a pas voulu y entrer!


Le repas est plus détendu que la veille. Nous ne mettons pas le feu à la casserole pour un dahl de lentilles presque chaud, du saucisson et les éternelles barres de céréales en dessert.


Un peu de lecture et juste profiter de la sérénité des lieux avant un gros dodo pour récupérer de ces 6 heures de marche et 900 mètres de dénivelé.






Jour 3: Du lac du Bastan à Artigues (6h- 300m D+)


Lac supérieur du Bastan


Pour notre troisième jour de trek, direction Artigues. Nous nous sentons en pleine forme et presque propres du bain dans le lac. Nous gagnons le refuge et le lac de Campana sans difficulté pour une pause repas (galette de blé/comté/chorizo pour ceux qui avaient oublié!).



Nous descendons sur le lac de Graziolle par un pierrier un peu rude. Je me vautre en arrière, entrainée par mon sac telle une tortue obèse. Le sac amortit la chute, j'aurais pu donc me passer d'essayer de me rattraper sur ma main gauche. Deux doigts bleu trempés dans la rivière et strappés. C'est la première fois en plusieurs trips que nous utilisons la trousse de secours. Nous sommes presque fiers.





Le lac de Graziolle


Une descente interminable par les estives nous mène jusqu'à Artigues. Nous faisons route avec un papi, légèrement stressés par l'orage annoncé. Un guide nous indique en cours de route que nous aurons probablement pas le temps de rejoindre la cabane où nous avons prévu de passer la nuit et qu'il fallait mieux bivouaquer sur Artigues.


Nous arrivons au village en même temps que l'orage, non sans avoir admiré la superbe cascade d'Artigues

La cascade d'Artigues


Au camping d'Artigues, le gérant nous fait bon accueil. Il ne prend pas la carte bleue, faute de réseau, et je ne suis pas sure d'avoir assez d'argent, quelque part au fond de mon sac, sur moi. Il nous explique, à nous les petits montagnards du Piémont comme il nous appelle avec affection, qu'en montagne, en cas d'orage, il n'y a plus de campings. Il n'y a que des refuges. Très émus devant autant de solidarité, nous plantons la tente à l’abri d'un mobilhome. Nous prenons une douche chaude et mangeons un chili con carne froid, summum des repas immangeables de notre séjour. Nous nous préparons à une dure nuit après nos 8 heures de marche et 1100 mètres de dénivelé.


Jour 4: D'Artigues à Barèges (8h- 1100m D+)


Et en effet, la nuit est rude. Il tombe en tout 64 mm de pluie. Nous regroupons nos maigres affaires sur nos tapis de sol qui semblent bien plus étanches que notre tente. Nous pendons au plafond tout ce qui ne doit pas prendre l'eau: téléphones, topo, papiers et argent (qui d'ailleurs suffira à payer nos dettes le lendemain!). Après avoir épongé deux bonnes heures avec ce qui nous reste de PQ, nous nous endormons, exténués, sur nos "iles".


Nous nous réveillons difficilement. Tout est mouillé, ce qui nous plombe deux fois le moral. Non seulement notre chargement va être plus lourd, mais en plus il va falloir tout déballer pour tout sécher au retour dans notre Gers profond.


Nous avalons donc un peu tristement notre barre de céréales, puis nous nous réchauffons des paroles encourageantes du gérant du camping puis des gens du bar où nous prenons un café chaud.


Les trois premières heures en pente douces ne nous posent aucun soucis. Nous avalons les kilomètres en suivant l'Adour qui ressemble à un petit ruisseau tranquille.

Nous bifurquons vers le Col du Sencours que nous avions pris en sens inverse il y a deux ans. Le Pic du Midi est comme un vieil ami qui nous appelle.


Le vent se lève, froid et violent. Nous n'avons plus d'eau. Le combo galette de blé/comté/chorizo ne suffit pas à nous redonner de l’énergie.


La dernière demie heure de montée est éprouvante. je pourrais pleurer si le vent ne séchait pas mes larmes au fur et à mesure. Mon Gnome, qui en a plus bavé que moi dans les cols les trois derniers jours a un sursaut d'énergie. Il gambade, m'encourage, il est en pleine forme. Le bougre! Je m'accroche aux rochers de peur que le vent m'entraine en arrière (enfin que mon sac plus grand que moi m'entraine en arrière!).


Et puis d'un coup, je le vois courir, les bras en l'air. Je sais que c'est bon avant de voir les bergeries du col et le magnifique lac d'Oncet.


Lac d'Oncet


Nous descendons ensuite en pente douce, à flan de montagne pendant bien deux heures.


100 mètres avant d'arriver, alors que nous voyons la voiture sur le parking, nous perdons pour la première fois le GR10, ce qui nous oblige à faire demi-tour et à passer par la route.


Lorsque nous posons nos sacs à côté de la voiture, nous avons l'impression de les sentir encore sur les épaules. C'est une très curieuse impression. Tout comme celle de revenir sur ce parking où nous étions quatre jours plus tôt. Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Et nous nous répétons en boucle: "Nous l'avons fait!"




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