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Photo du rédacteurSamantha Liger

Bivouac au Lac d'Oncet (ou comment mourir écrasé sous sa tente...)



« Qu’est ce qu’on fait la prochaine fois ?

- On plante la tente en haut de la montagne ?

- Ah oui, bonne idée ! »


Mais oui, à ce moment-là, c’était une bonne idée. Il faisait chaud, c’étaient les vacances, j’étais en pleine forme. Je nous voyais bien, mon Gnome (qui me dépasse maintenant d’une bonne tête) et moi, portant fièrement nos sacs de baroudeurs sur nos épaules, flanqués de notre athlétique setter obéissant, plantant notre bivouac en haut de la montagne.


Ça ne s’est pas tout à fait passé comme cela…


Fin aout 2021. Nous quittons notre Gers profond en début d’après-midi. Le réveil a été difficile, les sacs compliqués à faire et en plus, je me suis perdue dans le supermarché pour faire les dernières courses. Le Gnome a fait les sandwichs au pâté dans la voiture. Le chien a vomi quatre fois sur sa couverture. Et moi j’ai vaguement apprécié le fait de ne plus avoir d’odorat depuis six mois.


Nous roulons masqué. Le covid tourne sur mon service depuis deux semaines. À la maison, nous vivons dehors et à deux mètres l’un de l’autre. À l’intérieur, je porte un masque, me lave les mains sans arrêt et je me fais défoncer le nez toutes les semaines. Ce bivouac, nous en rêvions depuis des semaines, alors nous avons décidé de le maintenir. C’est juste que nous ferons tente à part pour ne pas mélanger nos microbes. Et que nous porterons donc une tente chacun…


Au Col du Tourmalet, nous faisons une pause photo. Tout le monde, y compris mon Gnome, s’est foutu de moi, quand j’ai soutenu qu’il y avait des lamas qui y broutait. Je compte bien ramener des preuves !

Un lama vu de dos, mais un lama tout de même comme preuve


Nous arrivons au parking. Je tire une gueule de trois kilomètres. Le brouillard est dense, je ne suis pas sûre de retrouver le chemin. Quiconque a pris cette voie pour grimper au Pic du Midi sait pertinemment que c’est absolument impossible de se tromper de chemin. Mais je suis capable de tout au niveau orientation…

Dans les nuages

Soulagement en s’engageant sur le chemin, le brouillard est dissipé. Si nous tournons la tête vers la Mongie, c’est tout blanc. Si nous regardons vers là où nous allons, c’est soleil éclatant. La magie de la montagne !


Nous voilà partis gaiement, chien en tête, chargés comme des bourriquets. Demi-tour. Le Gnome est en tongs. Il a oublié (mais comment ça tu as oublié???) d’enfiler ses chaussures de rando à la voiture lorsque j’étalais le contenu de notre bivouac sur le bitume.

Deuxième départ. Nous nous engageons sur la piste en pente douce, au pic du soleil, au milieu des randonneurs qui reviennent après leur journée de marche. Il est 17 h.

Le Gnome, 13 ans, et une paire de tongs

Nous bavardons gaiement. Le chien tire sur sa laisse. Le sac à dos tire sur mes épaules. Et je tire légèrement la langue. (Rhooo, je ne m’arrange pas niveau jeux de mots). Au bout d’une bonne heure de marche, nous arrivons en vue du Lac d’Oncet (2254m) vers lequel nous descendons.

Mais si au fond, le Lac d'Oncet

L’eau est transparente, nous nous y baignerions presque, mais nous avons déjà perdu quelques degrés entre la piste ensoleillée et les abords brumeux du lac. Après une brève pause eau/pom’pote/barre de céréale, nous rejoignons le petit laquet juste à côté du lac d’Oncet pour y poser nos deux tentes.

Lac d'Oncet, 2254m


À notre droite, une famille. À notre gauche, un couple de namoureux. Nos quatre tentes colorées font comme des fleurs le long de l’étang, au milieu de l’herbe, du brouillard et des brebis dont les cloches font dresser les oreilles du chien (un setter, n’oublions pas, grand chasseur de mouches et de papillons, habitué à fuguer du jardin pour aller jouer avec les chèvres du voisin. Qui gagnent à chaque fois…).

Le bivouac


A 19h, nous avons déjà avalé nos sandwichs au pâté. Nous remontons sur la piste. Je lâche le Gnome et le chien en cours de route, toute fière de moi. Du haut de mes 26 ans (Ouais… 40 ans dans quelques jours), j’ai crevé les petits jeunots. Je m’en vais donc du côté d’une bergerie abandonnée regarder les couleurs du couchant sur la mer de nuages. C’est beau. Ça se passe de mots.

Couchant sur la mer de nuages

Le chien m’attend assis la queue remuante. Le Gnome montre la même impatience. Ils m’ont attendu, transis de froid pour entrer dans les tentes. Aucune idée de pourquoi. Nous allons nous dire au-revoir. Il est 21 h à tout casser. Demain, le réveil va sonner tôt.

Entièrement recouverte de mon sac de couchage, je lis « Les enfants de la Terre » à la frontale. Les heures passent (et oui, je suis une incorrigible lectrice) et voient mes couches de vêtements augmenter. Au petit matin, je totalise en tout : un legging, un jean, deux paires de chaussettes (dont une énorme!), deux t-shirts et une veste. Il me reste encore une veste et un t-shirt, qui calés dans mon sac à dos me servent d’oreiller. Je n’ai pas vraiment froid, mais je n’ai pas chaud non plus. À chaque fois que je bouge, ça fait un courant d’air terrible qui me glace. Et je suis obligée de bouger régulièrement pour me retourner sur mon tapis de sol, des escarres (nan nan, j’exagère à peine!) vont faire leur apparition avant la fin de la nuit.


Lorsque à 5h30, mon réveil sonne et que je l’envoie valser de l’autre côté de la tente, ça ronfle à l’unisson dans la tente voisine. Ils n’ont pas forcément eu une nuit plus facile. Le chien sent le chien bien évidemment. L’ado sent l’ado (mais ça, à la rigueur, ça n’a pas dû déranger le chien!). Le Gnome est sorti à 3h du mat’ pour une envie pressante. Le chien a chouiné, paniqué pour finir par essayer de rejoindre son jeune maitre, faisant rouler la tente qui a du coup changé de place pour se retrouver sur un sol avec quelques pierres qui leur sont servi d’oreillers pour le reste de la nuit.

5h30, -2°

Je tente un pied (chaussé!) dehors. Ca craquouille et c’est tout blanc. Il fait à peu près -2°. Je me demande ce que je peux bien faire ici, avec mes quelques heures de sommeil sur un tapis de sol dans la nuit gelée. Le Gnome est encore plus difficile à réveiller qu’un matin de collège alors qu’il est sur le point de louper son bus. Il finit quand même par émerger de la tente.


Nous voilà repartis, nos sacs allégés des tentes, sacs de couchage et tapis de sol. Nous remontons sur la piste que nous suivons, lacet par lacet. À chaque « bout » (mais comment appelle-t-on les « bouts de lacet »?), nous voyons la nuit s’éclaircir. Les étoiles disparaissent peu à peu, la lune se fait moins brillante, nos frontales dansent avec moins de vigueur sur les parois rocheuses.

La nuit s'éclaire...

Un fou-furieux, dont on avait vu la lumière tout en bas de la montagne, nous double en courant. Je crache un poumon au passage. A l’hôtellerie des Laquets, c’est le couple de namoureux qui nous passe devant. Le Gnome commence à faire la grimace. Moi je crache mon deuxième poumon. Nous continuons.


Le chien, sur les dénivelés positifs, sert d’aide ascensionnelle. Gentiment, mon Gnome me le confie et prend les sentiers intermédiaires pour me rattraper entre deux lacets.

Le Gnome, en tout petit, à flanc de montagne


Les parois de certaines montagnes rougissent alors que le sommet se rapproche. Les larmes coulent. À quelques minutes, nous allons louper le lever du soleil. Les derniers mètres sont une torture pour ma cage thoracique. Je suis presque obligée de mettre les mains. Je suis tellement déçue de moi, de ma forme physique qui s’est barrée ces derniers mois, des 1000m de dénivelés que je m’enfilais avant et qui ne sont qu’un souvenir, des 10 kilos que j’ai pris cette dernière année.

Les parois rouges de soleil

Et puis nous arrivons. Nous montons sur la plateforme où se réveillent une quinzaine de collégiens dans leurs sacs de couchage. Le soleil a à peine dépassé la mer de nuages. Le Gnome reste immobile, à genoux, entourant son chien de ses bras et de son émotion palpable. Je me tais aussi (chose rare!). Même les ados derrière nous se taisent. C’est magnifique. Sublime. Grandiose. Ça fait venir encore plus les larmes que la frustration de tout à l’heure. Et ce sont de belles larmes celle-là.

Pic du Midi, 2876 m

Nous arpentons la plateforme. À tour de rôle. Parce que le chien, il a peur là-dessus, comme il peut avoir peur sur les ponts. Alors, nous restons près de lui. Je montre quand même la Brèche de Roland à mon Gnome, parce que quand même, c’est la Brèche.


Nous admirons les observatoires et les télescopes. Peut-être qu’un jour, nous viendrons par le téléphérique et que nous visiterons les installations !


Nous redescendons sur la terre ferme. Il reste des sandwichs au pâté. Ça fait du bien à nos estomacs, mes poumons et mes bourrelets. Nous profitons du moment, au sommet. C’est magique.

Vue vertigineuse sur le Lac d'Oncet

Et puis, nous prenons le chemin du retour. Le chien, aide précieuse à l’aller, est un fléau au retour. Je coince la laisse sur mes hanches, la tient fermement des deux mains et serre les dents. Il guette les oiseaux qui prennent leur envol sur les falaises, les lézards qui se réfugient sous les nombreuses pierres et les chèvres qui nous regardent de loin. Il tire comme un fou sur la laisse, manquant de me renverser à plusieurs reprises.


A l'hôtellerie abandonnée, nous faisons la traditionnelle pause pompote/barre de céréales (ça suffit les sandwichs au pâté!). En bas, le Lac d’Oncet et deux petits points orange et bleus. Nos tentes. Que l’on voit de super loin quand même ! La route pour rentrer au lac nous paraît interminable. Le chien s’amuse comme un fou, nous subissons.

L'Hostellerie des Laquets

De retour au bivouac, nous nous écroulons tous les trois sur nos tapis de sol. Réveillée par mes propres ronflements et le son des cloches des brebis une grosse heure plus tard, je m’aperçois que le Gnome n’a même pas pris le temps de sortir sa double paire de chaussettes avant de s’endormir et que le chien a migré dans ma tente.


J’ai trouvé un dernier sandwich au pâté écrasé dans ma tente, je la refourgue au Gnome qui pourrait me manger un bras. Nous replions tout et nous reprenons tranquillement la route vers le Col du Tourmalet et ses lamas. Après tout ça et cette bonne sieste réparatrice, c’est une balade toute tranquille. Tout poussiéreux, nous croisons les marcheurs qui s’élancent avec entrain sur la route du Pic du Midi. Pour nous, c’est fini.


« Alors ? Ca t’a plu ?

- Oui ! On pourra de nouveau bivouaquer dans 15 jours ?

- Arghhhhhh !!!! »


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