Nous nous étions déjà perdu une fois au Pays Basque. Mes potes ne sont pas trouillards. Quand je leur ai proposé de repartir, ils n’ont pas hésité !
Nous sommes en février 2020. C’est une belle journée d’hiver au ciel bleu limpide et au tiède soleil qui nous réchauffe les épaules. Nous sommes tous prêts, sur le parking des grottes de Sare, nos sandwichs au fromage, bananes et barres de céréales (c’est la tradition!) dans nos sacs à dos, chaussures de rando aux pieds et pulls bien chauds, parce que quand même, nous sommes en février.
J’ai choisi l’Atxuria. Parce qu’en son sommet, la vue dégagée sur les montagnes du Pays Basque et sur le littoral est magnifique. Et parce que je l’ai faite lorsque mon Gnome avait 7 ans, que nous avions survécu, même si nous nous étions perdus (enfin comme d’hab’ quoi…). J’ai donc un vague espoir de leur faire croire que j’ai progressé depuis la dernière fois.
Un de mes potes me demande mes clés de voiture pour les mettre en sécurité dans son sac (référence à une vieille histoire à Saint-Malo que je vous conterai bien un jour!), un autre si je suis bien sûre d’avoir pris l’itinéraire. Je leur réponds en souriant, confiante.
J’ouvre la marche, d’un pied allègre, en contournant la montagne. Première intersection, je sors fièrement mon téléphone avec le topo que j’ai enregistré, et qui m’indique de prendre le plus à gauche des deux chemins. Il y en a trois. Je relis discrètement les indications depuis le début. Je me refais mentalement le chemin déjà parcouru pour savoir où j’ai bien pu me planter. Non vraiment je ne vois pas. Nous avons suivi un chemin sans intersection depuis notre départ des grottes. Enfin je crois. Je n’ai pas pu me tromper. Sauf si nous empruntons le mauvais sentier depuis le début bien évidemment.
Je décide de faire abstraction du nombre de chemins et je prends le plus à gauche, comme indiqué dans le topo.
Ca grimpe rude. C’est curieux, j’avais essayé de trouver un topo dont la pente était longue mais douce. L’Atxuria, c’est 700 mètres de dénivelé. C’est pas mal pour une rando de début de saison. Ca commence à souffler derrière moi. Il y en a deux qui me regardent d’un air suspicieux. Les deux autres me suivent sereinement. Les naïfs.
Nous arrivons enfin à un palier. Une longue sente en travers de la montagne. Le sommet et sa crête se découpent au-dessus de nous. Les langues se délient et ça papote à-tout-va. Cesser de grimper fait du bien aux gambettes comme aux bronches. C’est bien joli tout ça, et je suis super heureuse que mes potes passent un bon moment, mais ce n’est pas par là que nous allons arriver au sommet !
Je me retourne, l’air grave. Il est temps que nous discutions sérieusement. La mauvaise nouvelle, c’est que nous sommes perdus. Non, ça n’a sûrement rien à voir avec mon hésitation à quasi chacune des intersections (comment ça à chacune ? Ils ne seraient pas un peu marseillais les potos?). Oui, probablement le balisage erratique. Non, je ne me perds pas à chaque rando. Oui, j’ai une solution. Même deux.
La bonne nouvelle, c’est que je sais où est le sommet. Et je leur montre, triomphante, le seul sommet environnant. Ils sont très étonnés de le voir là. C’était pourtant bien simple, je leur avais dit que je les menais à l’Atxuria, je les ai menés à l’Atxuria. C’est juste que je n’avais pas précisé à quel niveau.
Alors, nous avons deux solutions. Soit nous grimpons direct en « sentier intermédiaire », soit nous faisons demi-tour et nous devrions tomber sur un chemin qui nous fera tranquillement grimper sur la crête.
Deux veulent foncer, deux préfèrent faire (raisonnablement) demi-tour. C’est bien ma veine, nous allons devoir nous séparer. Je pars en frontal avec deux de mes potes. En me disant que ce n’est pas raisonnable. Que c’est toujours avec eux que je me retrouve dans des situations improbables. Qu’il y en a même une des deux avec qui j’ai fait une rando à l’envers (et je défie quiconque de ne pas se planter en lisant un topo en commençant pas la fin et de changer tous les « droite » par « gauche », et les « Ouest » par « Est »). Nous mettons les mains par moment, nous soufflons en s’accrochant aux rochers, mais nous parvenons à quelques mètres du sommet où nous nous affalons, les cheveux au vent et le coeur grisé.
Nous sommes tous les trois là-haut. Je leur avais dit que la vue était superbe. Je vois bien qu’ils ne sont pas déçus. Ils regardent, avides, chaque paysage qui se détache à l’horizon. L’océan Atlantique. Les villes côtières du Pays Basque. Peut-être même nos plages landaises. La Rhune de l’autre côté. Sare, Ainhoa ainsi que le petit village espagnol des sorcières Zugarramurdi. Le mont Mendaure. Je leur énumère tout cela comme si j’étais une vraie connaisseuse (à ma décharge, je suis déjà allée trainer mes savates dans quasiment tous ces lieux…).
La plaque indique 756 mètres. Le drapeau basque flotte (mais ce vent de fou quand même!). Et un de mes amis écrit un petit poème qu’il laissera dans la petite boite réservée à cet effet tout en haut de la montagne.
La bière nous appelle. Mais pas question de trinquer sans les deux derniers qui ont décidé de faire demi-tour. Au téléphone, ils nous paraissent fatigués et pas sûrs du chemin qu’ils sont en train d’emprunter. Qu’à ne cela tienne. Je laisse mon sac à dos et dévale la crête à la recherche de mes potos.
Ne vous laissez pas berner, ce n’est pas un geste totalement altruiste. J’adooooore les crêtes et j’aurais quand même été un poil déçue de me faire l’Atxuria sans gambader dessus.
Je les retrouve un peu en contrebas. Et me débrouille pour ne pas prendre le même chemin emprunté quelques minutes plus tôt. C’est un peu plus galère quand même de passer par-là, mais je ne leur dis rien (coucou les potos si vous me lisez ^^.
Nous sommes enfin de nouveau réunis et fêtons cela avec une bonne bière bien méritée, un succulent saucisson, du fromage fondu par le soleil (ou la transpiration?) et des bananes écrasées. Le vent est tellement fort qu’il nous pousse à nous caler à l’abri d’un gros rocher. Nous sommes les rois du monde là-haut.
Il est temps de repartir. Je tiens absolument à continuer sur la crête en direction de Zugarrumurdi, mais je ne sens pas grand enthousiasme parmi les troupes. Ils me concèdent quand même un petit bout de crête, avant de rejoindre le sentier transverse de tout à l’heure. Nous redescendons tranquillement en direction du parking des grottes.
Nous avons pris notre dose d’oxygène, de soleil et de bons moments entre amis. Nous avons été bien inspirés. Trois semaines plus tard, le Pays entier s’enfermait, et les « randos » allaient se limiter à 1h/1km...
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