Un Noël dans le port d'Ensues la Redonne
- Samantha Liger
- 26 déc. 2019
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 oct. 2020

Noël s'annonçait morose. Mon Gnome n'est pas avec moi, ma famille est loin et une tempête est annoncée dans mon Gers profond. Sur un coup de tête, j'avale quelques kilomètres (10h avec les détours dus au covoiturage?) pour changer d'air.
Cela fait quelques jours que je boulègue du côté des montagnes des Alpes maritimes et des Gorges du Verdon. J'ai dignement réveillonné avec une amie la veille à Digne (ah là là quel humour!).
J'ai profité de chaque minute de ces instants de liberté.
Ce sont mes derniers moments dans le coin avant de retraverser la France dans l'autre sens. Je veux finir en beauté!
Je suis née sur la côte atlantique et j'adore mes plages l'hiver quand les vagues sont déchainées, le froid humide d'embruns et que l'immensité devant moi apaise mon besoin de liberté. Alors en tenue de Noël mais bien couverte (il fait 0°C lorsque j'entre dans ma voiture), je descends dans les Bouches du Rhône afin d'aller toucher la Méditerranée. Et prendre mon quota de solitude.

Je me garde un petit peu de suspens en arrivant. Je mange mon sandwich à l'emmental (ouais je vends du rêve en ce 25 décembre!) avec vue sur la mer qui brille de soleil, juste au dessus de la gare, tellement mignonne, qu'elle me fait penser à celle de mon train électrique de quand j'étais gamine.
Il y a quelques voitures qui descendent, je ne serais donc pas seule. Pourtant, les grandes bâtisses au dessus de moi ont l'air vides (ou leurs occupants ont sacrément fêté Noël et cuvent encore la dinde aux marrons).
Je ferais bien une sieste dans mon hamac mais l'envie de faire pipi (je suis décidément très glamour aujourd'hui!) me pousse à reprendre la route. Il fait encore un poil trop froid pour que je me retrouve les fesses à l'air en pleine nature.
Je ne suis pas déçue. J'atterris dans un adorable petit port de pêche avec un WC qui trône en son milieu.
Bon, j'avoue, ce n'est pas le seul attrait de ce petit coin de paradis!.
A droite, une petite plage aux eaux transparentes appelle visiblement un local, un peu fada, à nager jusqu'à la bouée, sous les applaudissements de ses enfants.
A gauche, après avoir salué les deux hommes de la Société Nautique de la Redonne qui s'avalent un ballon de pastis, je croise un autre fada, béret sur la tête, qui escalade la falaise.
Les gens sont visiblement bizarres dans le coin. M'en fouti! Sur la digue, je savoure le soleil qui me chauffe les épaules et me fait ôter mon manteau.

Il me faut faire un choix. Un sentier de randonnée part vers l'est sur la plage des Anthénors. Vers l'ouest, un panneau indique la calanques des eaux salées à une demie-heure. L'ouest a gagné. Trente minutes, c'est peu, mais c'est mieux. Je n'oublie pas que je dois rejoindre des covoitureurs en fin de journée sur Aix en Provence, et ne voudrais pas sentir la transpiration pour les sept ou huit heures que nous allons passer ensemble, enfermés dans ma voiture.
Je ne suis pas déçue. Une minute de marche plus tard, je m'en mets plein les mirettes:

Non mais des cactus tout de même! Je n'ai pas l'habitude de ça au bord de mon océan!
Et c'est toute guillerette que je continue sur le sentier qui grimpe.

Le chemin débouche sur un tunnel dans lequel je m'engouffre. J'adore les tunnels, et celui-là est pas mal du tout. L’acoustique y est tellement belle que j'ai presque l'impression de chanter juste.
J'entonne donc le seul air qui me vient en tête: une chanson de Picon mon amour .
"Et puis il y a Marseille
Avec son port si charmant
Sa Méditerranée belle,
Sa sardine et ses harengs.
Comme un tout petit village,
Un hameau ensoleillé"
Je n'ose pas terminer. Des randonneurs me rejoignent et je ne suis pas sure qu'ils aient envie d'entendre la suite*. J'ai sûrement bien fait, puisque non seulement ce n'était pas très gentil pour les locaux, mais en plus ils m'ont suivi pendant plus d'une heure, ayant l'honneur de se perdre avec moi. J'espère qu'ils auront retenu de cette journée qu'il ne faut absolument pas faire confiance aux gens qui chantent (faux) dans les tunnels.
Après une longue marche qui n'en fini plus de monter et de descendre, de croiser et décroiser la voie ferrée, je parviens à la Calanque du Puy. Bien sur, je suis totalement équipée pour y descendre. Mes bottes et moi passons donc sous les pins maritimes, descendons les escaliers défoncés, nous accrochons aux branches et aux cactus, dérapons sur les rochers et dans la poussière. Nous sommes bien empéguées quand même! (Maman, si tu lis cet article, je te promets que j'ai été quand même plus raisonnable que l'homme au béret qui escaladait la falaise!).

Au fond: Marseille. (enfin je crois, si je ne suis pas trop une bille en géographie!)
La remontée a raison de mon espoir de ne pas emboucaner dans ma voiture ce soir. Tant pis pour mes covoits, c'était trop beau!
La suite se fait en pente douce jusqu'à la vue sur la Calanque des eaux salées. J'ai vaguement voulu prendre un raccourci. Cinq minutes de galère et un collant filé plus tard, des chaussures esquagassées dans les algues (histoire de rajouter l'odeur du varech dans ma voiture..), j'ai rebroussé chemin et j'atteins le grand pont.

Il y a de nouveau un tunnel. Je m'apprête à pousser la chansonnette, mais un sportif m'en dissuade en y entrant en courant.
Il se marre déjà assez en découvrant ma petite jupe à carreaux et mon top de Noël, mes bottes et mes collants filés, tenue tellement adaptée pour ce type de balade. Je ne vais pas en rajouter une couche en chantant J'veux du soleiiiiiiiil

Le cagnard ne manque pas d'ailleurs. J'ai accroché mon pull et mon étole à mon sac à main, et c'est toute transpirante que je débarque dans la calanque. Je marche dans un curieux ruisseau qui sort de nulle part, apparaissant directement dans les galets pour se jeter dans la mer.
Il y a la même chose dans mon jardin dans mon Gers profond: des résurgences. Mais c'est parce que cela fait un mois qu'il pleut en continu. Rien à voir avec ici!
J'espère juste que ce ne sont pas les égouts. Ça serait dommage de rajouter cette odeur dans ma voiture!
Et voilà! Je savoure ma pause bien méritée. Je sors mes bottes sous l’œil hilare de mes voisins de plage. Faut dire que mes chaussettes vertes à pois rouge en laine détonnent dans ma tenue propette de Noël. Puis mes collants, dans une tentative (totalement ratée) de les ôter discrètement. Et je vais tremper mes pieds dans l'eau qui n'est pas si froide que ça, et que finalement les locaux ne sont pas si fous de s'y baigner (maman, je t'assure, moi non plus!).
Il n'y a plus qu'à siester, et faire le chemin retour (en demie-heure et sans me perdre cette fois-ci).
Le 25 décembre à Ensues la Redonne, ce n'est absolument pas la solitude de mon océan natal. Mais c'est la liberté quand même!

Joyeux noël à tous!
Des bisous
* "Qui n'a qu'un seul désavantage,
D'être remplie de marseillais!"
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