Novembre 2019. Dans mon Gers profond, cela fait plus de deux semaines qu’il pleut sans interruption.
Je vais donc invoquer le soleil portugais !
Mai 2016. Je demande à mon monstroplante de 8 ans ce qu’il veut faire pendant les vacances d’été.
« J’ai une super idée ! On peut aller au Brésil. Tu vas voir, ça va te plaire. Il y a du soleil et il y a des couleurs !
- Euh… Pourquoi le Brésil ?
- La coupe du monde il y a deux ans.
- Ouais. On a pas les sous. Je te propose le Portugal. Il y a du soleil et il y a des couleurs. Et l’on parle la même langue qu’au Brésil. »
Mon gamin n’est même pas déçu. De toute façon, il ne regarde pas le foot, ou si peu.
Juin 2016. La voiture tombe en panne.
J’oublie les vacances au Portugal. Le trajet, le logement, les visites, les restos… Tout ça va me coûter un bras, et je viens d’en perdre déjà deux.
« C’est pas grave Maman ! On va planter la tente dans le salon, on mettra des couleurs et on regardera sur Internet des recettes portugaises ! »
Juillet 2016. Je cherche une solution.
Je profite d’une promo exceptionnelle à Decath’ sur les matelas gonflables une place. J’en prends une paire. Je nettoie le vieux réchaud à gaz qui me fout une trouille pas possible. J’investis dans trois boites en plastique, pour ranger nos vêtements, les paquets de pâtes, les masques et tubas. Et nous servir de sommier : l’avantage d’être deux modèles réduits.
Août 2016. Je mets une annonce de covoiturage.
Je souhaite de bonnes vacances à mes collègues. J’embarque mon fils, mes covoits et je pars le lendemain pour le Portugal. Je n’ai pas dormi de la nuit, j’ai trop peur.
NB: Si un jour vous êtes perdus dans le choix d'une destination vacances, ne demandez pas à votre fils...
Notre camping-car à nous
Bretocino. Chez Maria
10h, le grand départ. Je suis toute fière, j’ai un forfait téléphonique portugais pour deux semaines (non mais 2016 ! Les frais de roaming étaient encore payants!), un GPS et des courses pour tenir quelques jours. Ça étonne tout le monde (surtout moi!) mais je suis OR-GA-NI-SEE.
Je pose la dernière de mes neufs covoit' à Valladolid après avoir brillamment traversé Dax, Bayonne, Pampelune et Burgos.
Nous visitons la ville. Ce n’était pas prévu. C’est que nous sommes perdus. Mon forfait portugais, et bien, il ne fonctionne pas en Espagne. Mon GPS, il n'existe pas sans internet. Ma carte de la péninsule ibérique... Elle date de 2006, il n'y a pas d'autovía dessus.
Au fin fond de l’Espagne du centre, au milieu des champs de blé, un panneau indique une aire de camping-car. Je bifurque, il est 20h. J’ai les mains greffées au volant, j’ai faim et je suis fatiguée.
Le gardien de l’aire me précise que c’est réservé aux camping-car. Je lui montre le coffre. Il se marre et me trouve un petit coin d’ombre. Je sors le réchaud, fais chauffer des pâtes. Le nain gonfle le matelas sous l’œil curieux de nos voisins camping-caristes retraités.
Les pâtes à l’eau après une telle journée, ce n’est pas bon. Mais Maria est là. Elle a pitié, nous porte des croque-monsieurs. Nous sommes reçus comme de la famille.
NB : si un jour, vous vous perdez dans le fin fond de l’Espagne du côté de Zamora, venez donc faire un tour chez Maria. Il y a cinq emplacements pour camping-car, des douches, une piscine et le grand cœur de l’hôtesse.
La frontière. Milhao
C’est le premier village après la frontière, du moins sur la route perdue que nous avons pris avec l'aide de notre carte périmée. Dans ce bled de montagne, nous y trouvons en vrac : une fontaine avec de l’eau fraiche, le retour d’internet et du GPS et le Velho qui veut me caser.
Il m’explique dans un mélange de portugais/anglais/ espagnol avec quelques mots de français qu’il se demande bien ce que fait une jeune femme française en haut de la montagne avec son gamin. Alors, dans mon charabia de français/anglais/espagnol et mes trois mots de portugais, j’évoque le soleil, les couleurs, la coupe du monde au Brésil, la panne de voiture, les matelas gonflables.
Il ne voit pas trop ce que le Brésil vient faire là-dedans. De toute façon, la France a perdu contre le Portugal lors de l’Euro le mois dernier. Et une jeune femme ne peut pas traverser trois pays en dormant dans son coffre avec son gamin.
Mais ça tombe bien, il a un neveu à marier. Un homme fort et gentil, qui sait réparer les voitures et faire des maisons. Il sera heureux en France et moi je serais heureuse avec lui.
Je ne traduis pas tout à mon gamin. Nous disons Adeus au Velho de Milhao et nous reprenons la route.
NB : Si un jour vous êtes perdus à la frontière portugaise, pensez à dire au Velho que vous êtes mariée/bonne sœur/homme travesti en femme.
De Bragança à Porto. Les châteaux forts
Citadelle, Château et musée militaire à Bragança.
Pont et Château fort à Chaves.
Ruines romaines et Château à Guimaraes.
Mon nain de 8 ans est devenu un grand chevalier traversant le Portugal sur son beau cheval noir (un Ford focus Cmax de 2006 exactement) en compagnie de sa mère, la grande Reine du Royaume des Châteaux (En vrai, plutôt Cendrillon qui fait des pâtes sur le réchaud, récure à l’eau froide les assiettes dans les lavoirs portugais et tente de maintenir un semblant d’ordre dans la mansarde (coffre?) qui nous sert de chambre/cuisine/carrosse.
Passé le nord des châteaux forts, Porto est en vue. Je me perds sur le périph’. Nous garons le destrier noir bien trop loin du centre ville. Nous marchons, marchons, marchons. Nous croisons les petits vieux sur le port en train de jouer aux cartes, les maisons colorées, les pavés, le tramway, le Douro, les escaliers, les musiciens. Moi je rêve. Mon gamin râle. Il a mal aux pieds. C'est ma vengeance!
Je l’achève à coup de « Ah non, ce n’est pas un supermarché, c’est une banque. Il faut continuer à marcher. », « Nous allons continuer à marcher un peu, pour prendre une photo vue de là-haut ! » et un ultime « Tu sais vers où nous avons laissé la voiture ? ». Évidemment, nous avons marché trop longtemps, le téléphone/GPS n’a plus de batterie. Et si une chose est sûre, c’est que je n’ai pas avalé une boussole !
Porto vu d'en haut
Le ciel et les yeux de mon fils noircissent. Il est temps de descendre le long de la côte !
NB : si un jour vous êtes perdus dans Porto, pensez à prendre une batterie de secours. Ou de bonnes chaussures de marche.
En route vers la côte ouest. L’incendie
L’obscurité, ce n’est pas la nuit qui tombe ni un orage qui se déclenche. Ce sont les incendies. Le nord du Portugal est en feu. Tout le monde fuit.
Nous sommes silencieux dans la voiture. Nous voyons les colonnes de fumées sur le bas côté, les flammes à peine plus loin. Les vieux véhicules des pompiers nous doublent. Ils paraissent dérisoires par rapport aux flancs de montagne qui brûlent.
Contrairement à mes habitudes, je décide de prendre l’autoroute. Une heure plus tard, nous sommes à l’arrêt sur la quatre-voie. Tout le monde descend des voitures. Le vent nous amène l’odeur de la fumée et des cendres. La radio portugaise ne m’apprend rien sinon un gros mal de tête. Une famille parlant français vient me dire de ne pas m’inquiéter. Ce ne sont pas les incendies mais « juste » une voiture qui a pris feu. Nous n’avons plus qu’à jouer aux cartes sur le bitume.
A la sortie de l’autoroute, nous atterrissons sur un chemin de terre qui nous mène jusqu'à Aveiro, ses jolies maisons et ses touristes enfumés pour débarquer à la sauvage Gafanha de Boa, un trou perdu sur la côte. Nous nous octroyons une baignade, un apéro sur la digue, une perte des clés de la voiture entre deux rochers. C’est une journée interminable. Heureusement, fumée oblige, à 18h, il fait nuit et nous pouvons aller roupiller !
Le coucher de soleil de 16h30 dans la fumée des incendies
NB : Si un jour vous êtes perdus au fin fond du Portugal en plein incendie, pensez à décocher la case « routes non goudronnées autorisées » sur le GPS
Peniche. L’extrême ouest de l’Europe continentale.
Moi, j’aime bien les limites. Je suis née entre une côte atlantique et un estuaire un peu boueux. C’était bordé par l’eau pas presque tous les côtés, je ne pouvais pas me perdre.
Ici, c'est différent. Ça fait bientôt une semaine que mon GPS capricieux, ma carte de 2006 et mon sens de l’orientation pourri nous ballottent de routes défoncées en voies sans issue. Alors toucher l’extrême ouest de l’Europe continentale, ça me rassure.
Nous y allons direct, je ne veux pas faire d’arrêt.
« Maman, on pourra aller visiter le château à droite ?
- Non mon cœur, c’est symbolique, mais je veux aller toucher la pointe.
- Mais c’est vraiment un beau château. Je crois même que c’est une citadelle !
- Non mais dans le nord, on s’est fait plus de châteaux forts que je n’en avais jamais fait dans toute ma vie !
- Tu ne veux pas regarder quand même ? »
Je connais mon fils, il ne me lâchera pas tant que je n’aurais pas jeté un vague coup d’œil par sa vitre en disant un « oui oui » distrait. Oh purée ! Il y a une mini muraille de Chine en plein Portugal. Il a gagné. Je tourne vers Obidos, ville fortifiée coup-de-coeur-que-j’ai-même-dit-que j’irai-y-vivre-un-jour.
Et puis le soir, j’ai vu le coucher du soleil sur l’extrême ouest de l’Europe continentale. Et des surfeurs aussi. C’est chouette les surfeurs.
NB: Si un jour vous êtes perdus sur une « extrême bordure », écoutez votre fils.
Mi-août 2016. Une semaine est passée depuis le début du voyage.
Nous sommes à peu près vers le milieu de la côte, à un doigt près sur la carte de 2006.
Du sable, des pins, l'océan. On se croirait dans mes Landes
Novembre 2019. La pluie s’est arrêtée aujourd’hui.
Je savais bien qu’écrire le Portugal ferait revenir le soleil. Mon monstroplante avait raison :
« Il y a du soleil. Il y a des couleurs. Ça va te plaire ! »
La suite du voyage, le sud du Portugal, sera donc pour la prochaine session de pluie (qui selon la météo devrait être pour ce week end..)
Adeus !
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