Fin octobre 2020. Le verdict tombe en direct de la télé que je n’ai pas : nous sommes de nouveau confinés à cause du coronavirus. Je passe rapidement sur les auto-autorisations de sortie, les masques et l’impossibilité d’aller acheter la suite de mon cycle de science-fiction à la librairie. Parlons de ce qui m’est encore plus dur : une heure, un kilomètre.
Monguilhem. 302 habitants. Sa mairie, sa petite église, sa place où sont montées les arènes pour les fêtes de juin. La boulangerie, le bar, le resto ouvert le midi en semaine, la Poste et un magasin de tracteurs tondeuses (et oui, nous sommes dans le Gers).
Monguilhem
Quatre routes pour en sortir (ou y rentrer, mais là en l’occurence, j’y suis confinée, alors j’aimerais en sortir). Perquie à l’Ouest (8,2km), Castex au Nord (1,9km), Monlezun d’Armagnac à l’Est (3,9km), Toujouse au Sud (2,3km). Autant dire inaccessibles. Je suis donc coincée dans mon petit village jusqu’à nouvel ordre (enfin, quand je ne vais pas trainer mes microbes au boulot à 25 kilomètres de là).
Castex d'Armagnac
Ma petite cabane. 80M2 de travaux en cours. 1500M2 de jungle à entretenir. Un noyer, deux cerisiers, un figuier, des ronces et des orties. Nous ne pouvons pas vraiment nous y ennuyer. Mais comment dire… Après mes 37 heures de taf par semaine en psychiatrie (officielles), débroussailler et poser du parquet, ça ne fait pas trop envie.
Pour l’occasion, nous nous sommes renommés. Le Gnome est devenu le Minotaure, le monstre du labyrinthe, spécialiste des cachettes et des pièges. Mon ours, spécialement sorti de sa caverne pour se confiner avec nous, a pris le doux nom de Fenrir, le loup gigantesque de la mythologie nordique. Moi, je suis Pachamama, parce que quand même, il faut bien quelqu’un pour nourrir ces deux gros bestiaux. Le bébé chien reste le bébé chien, le plus grand renifleur d’emballage de camembert que cette Terre du Bas Armagnac n’ait jamais connu.
Le plus grand renifleur de tous les temps
Fenrir est le premier à attaquer avec un message énigmatique : « Fenrir a perdu un de ses crocs lors d’une consultation dentaire et souhaiterait le récupérer ». Nous n’allons pas mettre le loup en colère et nous allons explorer les alentours.
Le croc de Fenrir
La règle est simple : chacun cache des petits objets, laisse des indices aux autres, et ne se fait pas acheter par mes délicieux cookies (qui ne sont pas toujours très mangeables d’ailleurs, c’est peut-être pour ça…). La seule contrainte : le kilomètre réglementaire afin que notre petit jeu ne coute pas 135e la partie.
Ma première mission m’amène auprès du lavoir de mon village, pour y déposer un coquillage (ramené du Portugal, la grande classe !). Ca me permet de m’enfoncer un peu dans la forêt, et de faire demi-tour, frustrée, parce que je rentre sur une propriété privée, qu’il faudrait passer sur un pont construit avec un poteau téléphonique et que je ne sais pas, techniquement, où je suis (et oui, perdue à moins d’un kilomètre de chez moi alors que je vis ici depuis 15 ans…). Le minotaure trouve avec facilité en allant promener le meilleur renifleur de chaussettes sales que ce village médiéval n’ait jamais connu.
Le lavoir
Le pont en poteau téléphonique
Qu’à cela ne tienne ! Au détour de la promenade matinale du plus grand renifleur de mouchoirs usés en papier que toutes les bastides gersoises n’aient jamais connu, j’ai l’idée de cacher une petite voiture dans les champs de maïs. Mais il est beaucoup trop tôt, mon esprit embrumé n’a pas pensé à prendre ladite voiture, et de dépit, je la cache en partant bosser dans la boite aux lettres. Il est quand même assez drôle de voir le Minotaure se méprendre sur l’indice et aller farfouiller du côté de la Poste sur la place du village. Fenrir a raflé la mise en rentrant du boulot.
Les maïs après la moissonneuse...
Je ne suis pas la seule à avoir pensé aux maïs, le Minotaure y cache un playmobil que malheureusement la moissonneuse trouve avant nous. (RIP le playmobil). C’est l’occasion d’aller se promener jusqu’au lac de Charros par le passage secret connu des seuls locaux que nous sommes (parce que quand même, personne d’autre n’aurait l’idée de prendre cette route tellement peu utilisée que l’herbe y pousse en son milieu).
Lac de Charros
Le petit soldat vert est resté longtemps derrière le monument aux morts. C’est que les anciens du village continuent à se promener sur la place, vers l’Église, dans nos petites rues où de toute façon, même si les 302 habitants au grand complet sortaient en même temps, nous pourrions nous y croiser avec le mètre de distance réglementaire. Bref, si le Minotaure l’a placé là en attendant son bus le matin, moi j’y passe alors qu’il y a toujours quelqu’un qui sort de la boulangerie ou qui nourrit les pigeons sur la place. Faut dire que les Monguilhemois, c’est comme les Moldus. Jamais, ô grand jamais, ils ne doivent se douter de ce qu’il se trame entre nous, dignes représentants de la mythologie greco-romaine, nordique et inca (n’oubliez pas, je bosse en psychiatrie, ça laisse quelques traces quand même !).
L'église
Impossible de cacher quoique ce soit le long du Midour. C’était trop beau, trop serein, et trop marécageux pour que nos figurines Kinder ne se noient pas dans la boue (qui rend absolument fou à se rouler dedans le meilleur renifleur de bouillasse des marécages d’Occitanie). J’ai bien tenté de cacher un Légo dans ce curieux bâti au milieu d’un champ avant de m’apercevoir que non seulement il fallait traverser dix mètres d’ortie pour l’atteindre mais qu’en plus c’était une espèce de puit sans fond qui fait un peu flipper. J’aurais trop peur que le Minotaure tombe dedans !
Le Midour
Tant pis, ce même Légo sera pris en otage par une ronce pendante dans la rue Sarvignac alors que son copain de Stars Wars se fait décapiter par un grillage dans le chemin de Carbouère. Les noms de rue n’apparaissant pas sur Google Maps, le Minotaure et Fenrir les cherchent encore. C’est l’occasion de belles balades où nous croisons des vaches et des cochons, de belles maisons anciennes et des granges abandonnées, des forêts, des vignes et des champs de maïs.
J’ai d’ailleurs voulu cacher un Schtroumpf dans une vieille cabane abandonnée mais Fenrir et le Minotaure, à l’entrée du chemin, avaient déjà tellement peur (Que la police vienne nous chercher ? Qu’un voisin vienne nous déloger par la peau des fesses ? Qu’un astéroïde nous tombe dessus ?) que je n’ai pas osé laisser le Schtroumpf tout seul, où il serait immanquablement resté à jamais au milieu des vieux tonneaux.
Il est temps de rentrer maintenant. Dans quelques jours, nous aurons droit à trois heures, vingt kilomètres. À nous les grandes ballades dans les collines gersoises et les forêts landaises, à la recherche des vieux moulins et des chapelles, des étangs et des fontaines miraculeuses. Mais chut… Avant, je m’en vais cacher Maitre Yoda dans un arbre ! Je ne voudrais pas perdre l’occasion de continuer à découvrir mon village comme si c’était le plus grand terrain d’exploration de la Terre entière (ce qu’à l’air de penser d’ailleurs bébé chien, le plus grand renifleur de fleurs des champs que la Gascogne n’ait jamais connu !)
Le Gers, le bonheur est dans le pré
Moi aussi! 😁 (mon village et notre jeu hein, pas mon article 😉 )
J'adore !!! 👏👏👏