Traquons les répétitions (Ou l'art d'hiberner quelques mois en face à face avec son ordinateur)

Le manuscrit est terminé. J'ai un début, un milieu et une fin. Des personnages qui ont fait ce qu'ils ont voulu. Un scénario qui s'est déroulé dans un autre sens que celui qui était prévu. De la corne au bout des doigts. Une consommation de café des derniers mois qui me vaudra un AVC un jour. La sensation d'avoir vécu hors du monde pendant presque un an. La découverte que c'est l'hiver, qu'il fait froid et que mes amis (qui ne savent plus à quoi je ressemble) mangent des raclettes. Des jambes poilues et des cheveux blancs.

Bon non, je déconne d'un poil, mais tout le monde aura compris. J'y ai passé beaucouuuuuuup de temps.

Je pense en avoir fini, retrouver une vie sociale et la lumière du jour? Et bien non! Le temps des corrections est arrivé. Et c'est encore bien pire que l'écriture du premier jet!

Ma prime action est de sortir de chez moi vérifier qu'une guerre nucléaire n'a pas anéanti l'humanité, et d'envoyer mon manuscrit à mes correctrices préférées.

Une fois mes 98 pages word avalées, raturées et épurées de leurs fautes d'accord et de participes passés, je peux traquer les répétitions.

Repetition dectector 2

J'ai longtemps utilisé ce petit logiciel qui permet de détecter les répétitions proches comme lointaines, de paramétrer les distances entre chaque mot doublon, d'évincer les mots passe-partout (je, tu , il, et, etc..), de repérer les tics de langage* et même d'éradiquer tous les adverbes qui sont censés alourdir la lecture en écrivant "ment" dans le paramétrage.

C'était l'outil parfait pour moi, et je me serais bien mariée avec son concepteur jusqu'au jour où je suis passée sur Mac, totalement incompatible avec ce bijou. J'ai longuement hésité, et devant la vitesse de mon nouvel ordi par rapport à celui où j'avais le temps de tondre la pelouse entre deux ouvertures de page, j'ai décidé d'épouser plutôt Steve Jobs.

Repestoscope*

En deuil de mon logiciel de détection, j'ai erré sur le net à la recherche d'un miracle. J'ai bien trouvé des solutions du type "Lire à haute voix. Les répétitions vont vous sauter aux oreilles". Alors oui, cela fonctionne très bien lorsque je relis les écrits d'un autre auteur, mais jamais sur mes propres productions. J'en ai déduit que mon cerveau connaissait bien trop mes tics de langage et mots habituels pour permettre à mes zoreilles de les entendre*. En revanche, ça permet de mettre les virgules au bon endroit, c'est toujours ça de gagner!

Le site Babelweb propose un détecteur en ligne, le répétoscope qui surligne en couleurs différentes les mots les plus usités dans le texte. Alors, c'est pas mal, mais il y a deux gros désavantages:

• le nombre de signes est limité

• le site buggue régulièrement. D'ailleurs, je ne peux pas mettre le lien, il ne fonctionne pas aujourd'hui.

Textalyser

Toujours en errance sur la toile, je suis tombée sur ce logiciel en ligne conçu pour les développeurs web. Nombre de mots, de signes (espaces comprises et non comprises), mots et expressions les plus utilisées, des bonus du type la phrase la plus longue (et croyez moi, quand on arrive à 65 caractères, c'est qu'il serait bien de mettre un "point" là dedans!) et aussi des trucs qui me sont tout à fait incompréhensibles*.

Petit bémol, il ne surligne pas directement dans le texte, et il faut utiliser la fonction recherche de son propre traitement de texte pour trouver les mots repérés par le logiciel.

Pleo V2

C'est avec émotion et joie que je vous annonce la découverte aujourd'hui même de mon nouvel ami pour les mois à venir. J'aime beaucoup le précédent, mais quitte à passer quelques mois en tête à tête avec mon ordi, j'aimerais mettre de la couleur dans notre relation. Pleo me surligne en tout plein de couleurs et de nuances les doublons en fonction de leur proximité (paramétrable). Pour l'instant, il ne fait que ça, mais son concepteur (quelqu'un le connait? J'envisage éventuellement des épousailles) souhaiterait le faire évoluer vers des statistiques individualisées permettant de repérer les faiblesses de langage. Encore un qui va me reprocher mon "à toutes les sauces".

Bref,

Ma recette du jour, c'est de passer mon texte à la moulinette de Pleo, en éradiquer les répétitions proches qu'il détecte (à coup de supra laser destructor of course!), puis de le copié/collé dans le textalyser, histoire de découvrir (en pleurant*) qu'il en reste encore. Et ainsi de suite, puis de s'enfermer six mois de plus pour reformuler tout ça et se manger du synonyme "à toutes les sauces".

Et je dois vous laisser. J'en suis à la page 29 de ma traque. Si tout va bien, je sortirais de chez moi l'été prochain...

*Tics de langage: expressions que nos affectionnons particulièrement et que nous filons à toutes les sauces dans nos récits. "A toutes les sauces" est un de mes tics de langage. Je me suis fait plaisir, je l'ai mis exprès pour servir d'exemple!

*Répestoscope: mais pourquoi ce nom robotique qui, comme le Detector 2, laisse à penser qu'un rayon laser va viser la répétition de trop et l'envoyer dans une dimension parallèle???

* J'en ai déduit: faites quand même attention à mes hypothèses et déductions sauvages hein!

*des trucs qui me sont tout à fait incompréhensibles: si un utilisateur du textalyser passe par là et veut bien m'expliquer comment interpréter le facteur de complexité, l'indice Guning-Fog et la lisibilité alternative beta, je suis toute ouïe!

*en pleurant: je vous déconseille fortement de passer 98 pages word d'un coup au textalyser sans avoir fait une traque à la répétition au préalable et/ou sans préparation psychologique intensive avant. Découvrir qu'il y a 36 "il y a" dans mon roman a failli me faire pleurer!