Dans la vie, je suis du genre à ne pas foncer. Ça ne se voit pas beaucoup car mes décisions peuvent paraître improbables, mais elles sont en fait mûrement réfléchies (ce qui fait encore plus peur!).
Dans mes histoires, c’est tout le contraire. Ça me fait tilt lors d’une conversation, d’une scène de la vie quotidienne. Ou bien je me lève un matin avec une idée qui me démange toute la journée. Et dès que je peux, j’ouvre un carnet ou mon ordi. Et je fonce.
Je prends ma situation de départ. En général, j’ai déjà une idée de la fin. Le milieu, il s’écrit tout seul. Les personnages se dessinent, l’intrigue se noue, les décors s’élaborent. De nouvelles idées fusent au fil de l’écriture. Je reviens en arrière. Je rajoute des paragraphes. Je change l’intrigue. Je malmène mes personnages et mes stylos.
L’imagination va plus vite que la mémoire. La création grignote les vieilles règles d’orthographe et de grammaire apprises à l’école. L’envie d’écrire dévore les conjugaisons. Je me retrouve avec un manuscrit bourré de détails et de fautes qui me feraient rougir si j’étais capable de les voir.
Mais dans ma débâcle orthographique, j’ai de la chance d’avoir mes trois correctrices !
Magali
C’est la première à qui j’envoie mes manuscrits. Ils sont tout juste ornés du point final. Parfois même, je lui transmets la prose du jour vers minuit, en attendant son retour par mail le lendemain, à la fin de sa pause déjeuner, aussi impatiente que lorsque j’attends ma paie en fin de mois.
Magali est une véritable machine, un Bescherelle, un sniper de la concordance des temps, un radar du participe passé. Elle me remet aussi les mots dans le bon ordre, ma vitesse d’écriture (et mes capacités d’attention digne d’une huitre) ayant tendance à les mélanger. Elle m’a également initiée aux subtilités de l’usage de la virgule. On ne dirait pas comme cela, mais ce dernier point a changé ma petite vie d’auteure.
Magali me rend alors un manuscrit plein de petites croix rouges et parfois mêmes des rappels des règles orthographiques qui vont avec. C’est le SAV. Et le tout en un temps record (même pas le temps pour moi de souffler, je dois me remettre direct au boulot!). Alors je corrige direct sur mon ordi et je suis prête à passer à l’étape suivante.
Sandrine
Elle hérite du manuscrit, une fois dépoussiéré de ses fautes les plus grossières. Je lui épargne les fautes d’accord, elle a supporté ça toute ma jeunesse, alors qu’elle m’aidait pour mes devoirs.
Du haut de nos 26 ans, (depuis 12 ans pour moi, et encore un peu plus pour ma grande sœur), Sandrine continue de relire et corriger mes pavés. Armée elle aussi de son stylo rouge (Magali, Sandrine : vous êtes bien scolaires!), elle me souligne des phrases entières qu’elle agrémente d’un « c’est moche !! » ou m’entoure un paragraphe étiqueté « trop lourd !!! ».
Bref, elle traque mes phrases tarabiscotées, mes doubles négations (voir quadruple, je peux mettre la barre très haute!), les répétitions et mes idées incompréhensibles. Elle est aussi tyrannique que moi, et m’a même soudoyé pour que j’inscrive « intraitable » devant son nom dans les remerciements de mon premier bouquin. Nous ne sommes pas frangines pour rien !
Je reformule alors mes phrases « beurk » et je dévore mon dictionnaire des synonymes.
Charlotte
A ce stade là, j’ai normalement un manuscrit à peu près lisible. C’est le moment de l’envoyer à Charlotte, en souvenir de toutes ces heures à refaire le monde et à y remettre du sens (avec ou sans bière, au boulot ou au bar, à tord ou à raison).
Elle fait un peu la même chose avec mes histoires. Elle repère toutes les incohérences, les coquilles, va chercher le micro paragraphe de la page 174 qui vient contredire l’obscure phrase de la page 32, le prénom qui a changé en cours de route, l’action d’un personnage incompatible avec ses traits de caractères décrits au début. Et elle me force à harmoniser, à structurer mon récit et à remettre du sens dans tout ce fatras. Elle me fait creuser ce qui a besoin de l'être, chercher en moi-même ce que je peux apporter de plus.
Et face à tout ça, je reformule donc une énième fois ce pauvre petit manuscrit raturé dans tous les sens. (en râlant que je suis une incomprise en général).
Sandrine, Charlotte : préparez-vous, Magali vient de digérer 98 pages word. Je vous les envoie bientôt !
Magali : ne te réjouis pas trop. Une fois que le manuscrit que tu as déjà corrigé sera passé dans les mains des deux autres, il y a des chances, à force de reformulation, que de nombreux participes passés accordés avec l’auxiliaire « avoir » se soient glissés dedans !
Les futurs lecteurs: vous avez vu à quoi vous échappez???
PS: en écrivant ce billet, je viens de percuter que je devrais peut-être suivre l’ordre inverse pour envoyer mon manuscrit en correction ! A méditer…
PS2 : c’était quand même un article pour rendre hommage à mes correctrices officielles ! Alors merci les filles !!!
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