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  • Photo du rédacteurSamantha Liger

Vol surprise en montgolfière


La nouvelle en avant première:

La nausée m’envahit avant même que je n’ouvre un œil. Ma tête bourdonne. Mon corps tangue. Mon estomac chavire. Mon cerveau me semble être une chambre à air vide de tout souvenir de la veille. Je suppose donc, en ouvrant un œil prudent, que j’ai largement abusé de l’absinthe hier au soir.


Mes yeux s’ouvrent sur une toile verte. Je les referme. J’essaie de me concentrer, mais mes pensées, labiles, s’échappent en fragrances au-delà du panier. Oui. J’ai bien aperçu, entre mes cils fatigués, l’osier tressé qui m’entoure.


À ma grande surprise, mes doigts m’obéissent lorsque je leur ordonne de me masser les tempes. C’est rassurant. Je tente de nouveau un timide entrebâillement de mes paupières, et, dans un effort herculéen, je m’assois, m’adossant à la paroi de ce qui m’apparait comme une montgolfière.


Je ne sais la raison de ma présence là-dedans. Je n’y connais pas grand-chose en ballon volant. Je me doute que je n’ai pas pu faire décoller cet engin tout seul, ni lui permettre de garder cette fière allure. J’ai probablement dû avoir un complice dans ma curieuse expédition.


Furtivement, mes souvenirs de soirées bien arrosées, et les réveils improbables qui ont suivi m’assaillent. Claire, la seule personne avec qui je me suis déjà assoupie dans un zoo, dans la baignoire d’exposition d’un grand magasin ou au sommet de la Tour Eiffel, ne doit pas être étrangère à toute cette histoire.


Mais mon amie manque à l’appel aujourd’hui et il va falloir que je me sorte de ce guêpier sans elle. Je me relève laborieusement et tente un coup d’oeil au-delà des parois rassurantes de ma nacelle. L’immensité bleue du ciel m’accueille, et renforce ma sensation de vertige, alors qu’un curieux oiseau à fourrure me nargue en me fuyant d’un battement de son unique aile. Le fourbe.


Je passe courageusement la tête par-dessus l’osier pour découvrir les camaïeux colorés des champs de blé et des forêts. Le paysage que je survole reste immobile. Le vent doit être en grève. Pourtant, un chaud courant d’air n’arrange pas mon brushing. Si des montagnes se découpaient en dessous de moi, j’en aurais conclu que je parcourais la Suisse, bercé par un coup de Foehn.


Je soupire et me tords le cou à la recherche des nuages vaporeux. Peine perdue, la toile verte de mon ballon, qui m’évoque un vieux rideau chiné dans une brocante, me cache le ciel. Ma migraine s’intensifie. J’enserre ma tête douloureuse dans mes bras. Mes larmes coulent. Je ne vois pas d’issue possible à cette mésaventure. J’en conclus avec regret qu’il ne me reste plus qu’à buller en attendant une mort certaine.


Je réouvre une dernière fois mes yeux sur un énorme pylône blanc. L’appendice éolien se dirige droit sur moi me condamnant à devenir une infâme bouillie sanglante. Je m’entends crier le nom de mon amie, dans l’ultime espoir que son nom puisse m’insuffler une idée salvatrice, du courage ou même une certaine sérénité alcoolisée.


Mon vœu est exaucé. Au travers de mes larmes, mon amie débarque, hoquetant de rire, lâchant le tube blanc du rideau de douche qui vient rejoindre, sur le tapis imitation Mondrian de son salon, la peluche d’oiseau et le sèche-cheveux. J’enjambe mon panier, et m’entrave les pieds dans le rideau vert. Maudissant Claire, je me promets, encore une fois, que c’est la dernière fois que je vide une bouteille avec mon amie.


La petite explication qui va avec:

Le thème de ce récit inclassable et dont je ne suis pas particulièrement fière était "Dis moi dix mots qui ne manquent pas d'air".

Une liste de mots qui m'inspirent bien (éolien, chambre à air, fragrance, insuffler, allure, décoller, aile, Foehn, buller, vaporeux), le thème de l'air, je vais pouvoir écrire une nouvelle évoquant un voyage. Facile!

Et en effet, le récit se déroule tout seul sous ma plume, comme ça peut le faire parfois lorsque je suis inspirée. J'adore écrire comme cela!

Mais fi de la liberté des grands espaces, des sensations grisantes, de la beauté des paysages, mon stylo m'amène (et me malmène!) du côté des souvenirs alcoolisés de mes soirées de jadis!

Une nouvelle qui n'a pas été primée (faut pas pousser non plus!) mais qui a été publiée en juin 2021 dans le recueil du concours organisé par la médiathèque de Saint Pere en Retz

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